Notes et souvenirs d'un ancien marsouin (cochinchine - cambodge) by Abaly Fred

Auteur:Abaly, Fred [Abaly, Fred]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, histoire, France
ISBN: *
Éditeur: Bibliothèque de Polynésia sur Leximou
Publié: 1910-02-22T23:00:00+00:00

5 juillet.

Nous sommes sans nouvelles, ou du moins sans nouvelles de ce qui se passe en Chine. Est-ce sérieux et pouvons-nous conserver l’espoir de partir un jour, si l’on forme un deuxième bataillon de marche ? Nous ne vivons plus que dans cette attente. La préparation des réjouissances du 14 juillet apporte quelque diversion à nos idées belliqueuses et conquérantes.

La fête nationale est particulièrement brillante aux colonies ; cette fête française doit toujours faire une impression favorable sur l’esprit des indigènes.

Sollicité par le Résident, le lieutenant vient d’autoriser la troupe à participer au programme des fêtes. Je suis chargé d’organiser un spectacle. Cela me rappelle le « Cholon » et la fête donnée à bord avec le concours des militaires.

Quelques sujets intéressants se trouvant parmi les soldats du poste, ma tâche est singulièrement facilitée de ce fait. Après avoir cherché ce que nous pourrions bien représenter nous tombons d’accord sur le projet suivant :

Comme lever de rideau, une tabarinade précédant une partie de concert vocal.

Comme clou de la soirée, une pantomime en trois actes et quatre tableaux !

C’est merveilleux ! Il ne s’agit plus que de mettre ce programme à exécution. Le lieutenant, à qui je fais part des grandes lignes du projet, approuve tout, en demeurant sceptique quant au résultat.

Une des grandes baraques servant de casernement à la milice indigène fera une salle de spectacle admirable. Long de plus de 60 mètres sur 8 mètres de largeur, suffisamment haut de plafond, ce local remplit toutes les conditions. Le Résident accorde tout ce qu’on lui demande et met une dizaine de miliciens à ma disposition pour les gros travaux. Le montage de la scène, que je veux suffisamment vaste, s’opère rapidement, à l’aide de planches et de bambous. Le plancher de scène terminé, les répétitions commencent, pendant qu’un autre groupe procède à la confection des décors sur mes indications.

Le 13 juillet, à midi, tous les décors sont équipés et les répétitions terminées.

Pendant ce temps, les camarades du poste ne sont pas restés inactifs. L’entrée du fortin, les vérandas du blockhaus ont été superbement décorées par leurs soins. La flore exotique, largement mise à contribution pour cette circonstance, se trouve disposée en arceaux où pendent des lampions multicolores qui, dès ce soir, s’allumeront joyeusement.

À neuf heures, la retraite aux flambeaux se déroule sur le bord de l’arroyo jusqu’aux dernières demeures indigènes, pour revenir se disloquer dans les jardins de la Résidence.

Alors, comme les fonctionnaires et le lieutenant s’encadrent dans la baie de la salle à manger, un chant s’élève, puissant, sorti de toutes les poitrines des marsouins rassemblés en un chœur formidable. Dans la nuit, les accents de notre Marseillaise vibrent… et c’est très beau, si beau que le Résident, après avoir fait verser le Champagne et trinqué à la France avec tous les soldats, réclame une nouvelle exécution de l’hymne national…

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